Au lendemain de la défaite contre Arsenal, les mots concernant l’OM ont pu être durs. Certains n’hésitant pas à déclarer que les choix de Baup sont une insulte à la Ligue des champions. A tort ou à raison, ces déclarations ont le mérite de soulever le problème des clubs français et l’Europe. Pourtant à Marseille on continue de parler d’un projet.
En août dernier le président de l’OM, Vincent Labrune,
évoquait la stratégie et les ambitions du club pour la saison à venir. Il
espérait ainsi voir l’OM atteindre les huitièmes de finale de la ligue des
champions sans oublier que le tirage au sort pourrait compliquer cet objectif.
Pourtant, le président affirmait vouloir « chercher
à gagner le plus de matches possibles, à faire honneur à nos couleurs, à
emmagasiner de l’expérience pour, d’ici deux ou trois ans, être la belle
surprise de la compétition. Un peu comme Dortmund ».Cette simple
déclaration peut soulever plusieurs interrogations sur le management
marseillais. Le 11 de départ aligné par Elie Baup contre Arsenal fait-il
honneur aux couleurs du club ? Qui a réellement emmagasiné de
l’expérience ? Sur ce 11 de départ la moyenne d’âge était donc de 25 ans. On
comptait aussi trois recrues du mercato comme titulaires : Khlifa, Imbula et
Lemina. Ces deux derniers ont d’ailleurs été remplacés en cours du match où une
troisième recrue, Thauvin, est entrée en jeu.
Des dépenses injustifiées
Cet été Marseille a donc dépensé 42 millions d’euros pour 6
joueurs dont la moyenne d’âge est de 21,5 ans. En excluant Payet et Khalifa, la
moyenne d’âge passe à 19,25 ans pour un montant de 31,5 millions d’euros.
Environ 75% du budget alloué aux transferts a été consacré à des joueurs très
jeunes, n’ayant encore rien prouvé en ligue 1 et encore moins au plus haut
niveau. Si, effectivement, Thauvin sortait d’une bonne première saison en ligue
1 avec 10 buts et 3 passes décisives cela ne justifie pas pour autant un investissement
de 15 millions d’euros. Imbula et Mendy avait joué la quasi-totalité de leurs
saisons respectives en deuxième division
et ont couté à eux deux 11,5 millions d’euros ! Enfin les dix apparences
de Mario Lemina sous le maillot de Lorient ont convaincu la direction
Marseillaise de débourser 5 millions d’euros … D’ailleurs, si l’on s’intéresse
aux valeurs de ces jeunes joueurs en juin 2013 on remarque immédiatement que le
club a payé des sommes beaucoup trop élevées : Thauvin avait une valeur de 6 millions d’euros, Imbula était évalué à 3 millions d’euros, Mendy à 2 millions,et Lemina à 1 million d’euro.
S’il est habituel de payer un joueur au-dessus de sa valeur
marchande, surtout s’il est jeune, cela reste dans les mesures du raisonnable. Depuis
janvier 2012, président Labrune parle pourtant
d’économie, avec notamment une réduction d’environ 15% de la masse salariale
(passée de 85 millions à 65 millions d’euros). Néanmoins, on ne peut pas dire
que les dépenses soient réellement effectuées de manières judicieuses. Non pas
qu’investir sur l’avenir soit une mauvaise idée, bien au contraire, mais il
faut savoir investir de manière intelligente comme le font de très grands clubs
européens et notamment les clubs allemands, aujourd’hui à la mode.
La hype allemande
Déjà évoqué dans un article, l’Allemagne du football fait
aujourd’hui figure d’exemple à suivre, et les Marseillais ne dérogent pas à la
règle. Et puisque Dortmund est cité par Vincent Labrune comme le modèle sur
lequel Marseille s’inspire, faisons une comparaison avec les investissements du
club de Rhénanie du nord trois ans avant leur conquête du titre en 2011, et
leur finale de ligue des champions en 2013.
Evolutions des dépenses du
Borussia Dortmund 3 ans avant leur titre de champion et âge moyen des joueurs
achetés
2007/2008
|
2008/2009
|
2009/2010
|
2010/2011
|
Total
|
|
Dépenses
(en millions d'euros)
|
10,7
|
13,7
|
10,9
|
6,4
|
41,7
|
Age
moyen
|
27,1
|
23,5
|
22,4
|
21,6
|
23,65
|
Le constat est simple : l’OM a dépensé en un été ce que
Dortmund a dépensé en 4. Pourtant cela n’a pas empêché ces derniers d’accumuler
les bons résultats. Certes, à l’heure actuelle, le modèle économique des grands
clubs allemands est l’exemple à suivre. Ceci étant il ne fait pas tout. Si le
Borussia a réussi à obtenir ces performances c’est aussi grâce à des
investissements intelligents avec notamment des mises sur des jeunes joueurs. Contrairement aux mouvements du club phocéen
cet été le Borussia s’est offert ces joueurs sans pour autant payer le prix
fort. Aussi le club de la Ruhr n’a pas axé son recrutement uniquement sur des
jeunes sans expérience. Il a aussi su attirer des joueurs en fin de contrat
(Piszczek, Großkreutz). Enfin, le Borussia présente
d’autres atouts dans sa gestion des joueurs. D’abord son centre de formation
est de qualité, citons notamment Schmelzer et Gotze qui arrivaient de l’équipe
-19. A cela le club sait combiner
l’intégration rapide des jeunes recrues. Ces qualités en management ont amené beaucoup
de potentiels à rapidement devenir des hauts potentiels puis des cadres de
l’équipe. Cette qualité a géré l’évolution de ces joueurs est l’un des facteurs
clés de la réussite du club allemand.
Parce qu’il faut reconnaître que le Borussia a su détecter
et recruter plusieurs diamants bruts (Kagawa, Sahin, Lewandowski, Blaszczykowski). Il est à leur
honneur d’avoir su les tailler pour atteindre les résultats que l’on connait. Parmi
ces jeunes joueurs beaucoup ont fait partis de cette équipe capable de tenir
tête au Bayern deux saisons consécutives et de se hisser en finale de la ligue des champions. Justement, pour pousser
le vice encore plus loin dans la comparaison avec le club phocéen, regardons combien d’euros ont été dépensés
pour les cadres de l’équipe menant le Borussia en finale cette année :
Sommes
dépensées
(en
millions d’euros)
|
Année
|
Valeur
estimée (en millions d’euros)
|
||
Weidenfeller
|
0
|
2002/2003
|
||
Lewandowski
|
4,7
|
2010/2011
|
4,5
|
|
Hummels
|
4,2
|
2009/2010
|
4,5
|
|
Bender
|
1,5
|
2009/2010
|
1,2
|
|
Subotic
|
4,5
|
2008/2009
|
2,5
|
|
|
0
|
2008/2009
|
2,5
|
|
formé
au club
|
2010/2011
|
3,5
|
||
Gundogan
|
5,5
|
2011/2012
|
6,5
|
|
Reus
|
17
|
2012/2013
|
20
|
|
Blaszczykowski
|
3
|
2007/2008
|
3,7
|
|
Grosskreutz
|
0
|
2009/2010
|
1,2
|
|
Gotze
|
formé
au club
|
2010/2011
|
1,5
|
|
Total
|
41,9
|
51,6
|
41,9 millions d’euros, soit une nouvelle fois la somme
dépensée par le club marseillais cet été. Surtout, la somme dépensée est
inférieure de 20% à la somme des valeurs
des joueurs au moment de leur transfert dans la Ruhr. Rien de bien rassurant
concernant l’efficacité des recruteurs marseillais, ni la capacité du club à
évaluer et négocier le prix du transfert. Mais pour ne pas accabler totalement le club et les
supporters il faut rappeler que le projet de Dortmund s’est inscrit sur une
stratégie réellement débutée en 2008 avec l’arrivée de Jurgen Klopp sur le
banc.
Il lui a fallu deux ans pour construire une équipe capable de rivaliser avec le Bayern, qui en 2010 était focalisé sur la Champions League, et cinq années pour atteindre la finale de cette dernière. Labrune lui parle d’une stratégie de 2 à 3 ans. Peut-être qu’une analyse similaire a déjà été faite dans les bureaux de la Commanderie. Mais les conclusions ne semblent pas avoir été les mêmes. D’abord parce que l’OM a dépensé 42 millions d’euros cet été soit 10 de moins que le vice-champion d’Europe. Des dépenses pour des joueurs décevants (Imbula, Mendy). Cela éveille quelques craintes puisque le projet Marseillais est de redevenir compétitif d’ici 3 ans justement grâce à ces jeunes. Dans la stratégie du club ces derniers devraient avoir atteint, à l’horizon 2016, une certaine maturité et un niveau capable de rivaliser avec les mastodontes parisien et monégasque.
Ces 42 millions
investis font également figure de rupture avec la gouvernance menée par Vincent
Labrune depuis sa nomination à la tête du club. En effet depuis 2011, l’ancien
président du conseil de surveillance du club, s’assurait de réduire au maximum
les dépenses (11 millions d’euros investis en 2011 et 8,4 millions en 2012).
Cette rupture dans la stratégie de réduction des coûts commencée il y a deux
ans est une belle image du projet Marseillais.
Un projet encore flou.